Mes frères et mes sœurs (suite)
Fleurette Bernardin
Me voilà rendu à la septième de la famille, Fleurette, née le 18 avril 1931. Fleurette était pas mal garçonnière et elle aimait les travaux dehors, les animaux, les poules, les jardins, les travaux de la ferme avec Fernand, et plus tard avec moi. Moi, à cause de mon âge et que j’étais petit, je faisais ce que je pouvais. Quand ça n’était pas à la hauteur de la satisfaction de Fleurette, je me faisais brasser pas mal fort.
C’est peut-être pour cela que je suis drôle aujourd’hui (ha! ha!). Sérieusement, on s’arrangeait très bien. Aussitôt revenue de l’école, elle enfilait ses salopettes et se mettait à l’œuvre. Sur une ferme en été, une personne n’a pas besoin de chercher du travail, il est là. Il faut s’organiser pour faire ce qui presse et se trouver assez de temps pour accomplir le restant. Bien sûr, il faut voir aux imprévus et parfois essayer de les faire passer inaperçus. Un samedi après-midi, après avoir nettoyé l’étable et avoir apporté le fumier dans le champ, Fleurette laisse la Fordson derrière l’étable pour quelques minutes. À notre grande surprise, après avoir entendu un mystérieux bruit qui ne pouvait dire qu’une seule chose, c’était un gros « ploc ». On s’est vite rendu compte que c’était la Fordson qui avait reculé par elle-même tranquillement vers le haut de la calvette (le ponceau) qui traversait la coulée et avait basculé. Elle était complètement sur le dos dans la vase et elle marchait encore. Après avoir trouvé la clé pour fermer le moteur, on a été chercher Marcel Bouchard, qui est venu avec le Farmall. Nous l’avons remise sur ses roues et sortie du trou. Après un bon lavage, on s’est aperçu qu’il n’y avait aucune marque et à notre grande surprise, elle fonctionnait aussi bien qu’avant. On n’en a jamais parlé au père! Après une bonne journée d’ouvrage comme un homme, elle entrait à la maison et là, la maison devait être propre : pas de vaisselle qui traîne, les bottes bien rangées dans l’entrée, le souper commencé, etc. Si ces choses-là n’étaient pas toutes faites par mes sœurs, elle les passait au bat. Fleurette a épousé Charles Caron, de Saint François-Xavier, le 20 septembre 1952. De cette union sont nés six enfants : Louise, suivie de Marie, Denise, Lucie, Marc et Luc.
J’ai oublié une phase importante de la vie de Fleurette. Avec toutes ses besognes, Fleurette a entrepris sa 12 ͤ année et a décidé de la compléter. Pour cela, elle devait se rendre à Saint-François-Xavier et y demeurer en pension. Elle revenait chaque fin de semaine pour s’assurer que tout était en ordre ou pour faire du rattrapage dans son ouvrage régulier. Elle avait de bonnes notes et on savait qu’elle travaillait fort.
Chose étrange, elle arrivait toujours la deuxième de sa classe. Mon père, un peu curieux, lui demanda un jour combien il y avait d’élèves dans la classe et elle de répondre : deux! On a tous ri du père.
Elle avait sa chambre à elle en haut de l’escalier, et il était même interdit de regarder par la porte entrouverte. Mais nous savions toujours que tout était en ordre et impeccable.