Mes frères et mes sœurs (suite)
Lucette Bernardin
Lucette est née le 15 septembre 1929. C’était notre actrice dans la famille. Elle était très bien proportionnée! Bonne travaillante, surtout dans la maison et à l’extérieur si nécessaire. À part le travail et l’école durant la semaine, les vendredis et samedis soirs étaient surtout réservés pour les danses, les fêtes prénuptiales et les enterrements de vie de garçon, soit à Élie, à Saint-Eustache ou au Lido, et des fois à Saint-François-Xavier. Dans ce temps-là, la musique pour danser était en direct. Ce n’était pas de la musique enregistrée. Ça venait de Winnipeg et l'orchestre était de qualité. Le vendredi avant la noce, nous avions une danse pour ramasser de l’argent pour le couple en question. L’enterrement de vie de garçon était censé être pour les gars seulement et se déroulait le dimanche après-midi chez un proche du marié, une ferme était choisie avec beaucoup d'espace de stationnement, et tôt l’après-midi, les gars commençaient à arriver pour faire de la publicité et ça buvait de la bière! Ce n’est pas ça qui manquait! Les joueurs de cartes se retrouvaient dans un coin plus discret et jouaient au poker. Ils sortaient de la grosse argent! J’ai déjà vu des gars couper les cartes pour une auto flambant neuve! Tout cela était illégal. Alors, en faisant de la publicité, il y avait aussi une loi du silence. Plus tard, après le lunch, le monde se dispersait. Les mordus jouaient encore aux cartes, souvent à la lueur d’un fanal. La loi du silence avait été brisée et quelques blondes perdues retrouvaient leur chum pour les ramener chauds ou fauchés. D’une manière ou d’une autre, il fallait récupérer ses forces pour la messe de 11 h du lendemain.
Lucette épousa Joseph (Pitou) Legault, né le 6 avril 1948. Il vivait sur la ferme de ses parents au Bois-de-Travers à près de 12 km au sud-ouest d’Élie. Sa mère, Mme Alexina Legault, et son frère, Antonio, habitaient encore dans la maison de 1949 à 1968. Lucette et Joseph eurent neuf enfants : Gilles, le plus vieux des gars est toujours sur la ferme. Au cours des années, et avec l’aide de la famille Bernardin, la maison a été agrandie pour pouvoir suffire à cette grande famille. Pour gagner sa vie, Pitou a conduit un autobus public à Winnipeg pendant une quinzaine d’années, à peu près.
Après que Lucette eut fini d’élever ses enfants et usé trois ou quatre ensembles d’armoires à force de les frotter, elle a été frappée du cancer et elle est morte le 2 juin 1985. La plus vieille de la famille est Denise, née en 1949. Suivie de Gilles, ensuite Lucille (ma filleule), Estelle, Jeannine, Anne Marie, Marc, Philippe et Carole Anne, la dernière, née en 1968.
Voici la lettre que Lucette a laissée à ses frères et sœurs avant de mourir :
Vous allez tous me manquer, mais au centre d’une famille nombreuse, plus précisément la sixième, un peu gâtée de tous, ce qui me réjouit, c’est qu’on s’arrangeait tous pas mal bien chacun à notre façon. La jalousie ne nous a jamais éloignés. Peut-être que c’est l’entraide d’une famille nombreuse qui est encore le meilleur. Nous n’avions seulement que le nécessaire quand nous grandissions, mais on était quand même heureux. Nos liens et notre amour étaient plus dominants entre nous. J’espère que vous ne m’oublierez pas dans vos prières et je ferai de même pour papa, maman et pour mes frères et mes sœurs qui nous ont déjà quittés pour l’autre monde. Je ne vous oublierai pas, ni vos enfants ni leurs enfants. Je vous laisse avec amour et vous souhaite bonne chance à tous.
Signée le 24 mars 1985.